Cambrai: pour la reprise de sa programmation, le Labo invite… un vampirologue

Dès la semaine prochaine, les soirées reviennent en force au Labo à Cambrai. Avec l’assouplissement du couvre-feu à 21 heures, deux rendez-vous mettront en lumière le métier de traducteur. L’un des invités est vampirologue !

Après sa réouverture, il y a quelques semaines, le Labo (https://www.lelabocambrai.fr/iguana/www.main.cls) accélère la cadence. Avec les mesures de déconfinement, le centre culturel reprend ses événements gratuits en finn de journée. « La première soirée depuis octobre 2020 » se réjouit Marie George, coordinatrice de l’action culturelle du Labo. Et la programmation a de quoi surprendre.

Ce mardi 25 mai à 19 heures, l’invité est le traducteur, Jacques Sirgent. Sa spécialité ? Vampirologue ! L’homme aux multiples casquettes est féru de vampires. Il a d’ailleurs ouvert un musée à Paris qui leur est consacré : le musée des vampires. La soirée ne manquera pas de piquant. Deux thèmes seront abordés. Les enjeux de la traduction du roman Dracula de Bram Stocker et toute l’histoire qui tourne autour de ce personnage fantastique. Ce rendez-vous est plutôt orienté pour un public adulte précise Marie George.

Doublage et sous-titrage
Vendredi 28 mai, c’est Juliette De La Cruz qui prendra place au Labo à 19 heures. Elle travaille notamment en doublage et sous-titrage sur la traduction de films et téléfilms pour TF1, M6, Canal plus ou encore Arte. Juliette De La Cruz présentera, sous la forme de jeux, son métier de traductrice dans l’audiovisuel : Comment on traduit un film ? Quels sont les partis pris ? etc.

Il flotte donc comme un air de délivrance. « Les conditions ne sont pas non plus exceptionnelles et tout n’est pas revenu à la normale mais ça change beaucoup de choses pour nous » souffle Marie George. Les horaires s’allongent. Le Labo est à nouveau ouvert jusqu’à 20h30 les mardis et vendredis. Pour l’instant, la jauge de ces événements est fixée à 35 personnes. Il est possible de réserver sa place à l’accueil du Labo ou par téléphone au 03 74 51 00 00.

Cambrai : quand un vampirologue se rend au lycée Paul-Duez pour traduire Bram Stoker

Deux classes du lycée Paul-Duez ont accueilli Jacques Sirgent, auteur et vampirologue, pour s’exercer avec lui à la traduction.

Dans le cadre de l’ouverture culturelle des élèves à l’international, le lycée Paul Duez de Cambrai a mené une expérimentation autour de la traduction en partenariat avec l’association La Contre Allée. Ce projet mené en commun par les deux professeurs d’anglais, Sarah Hamilton-Beoustes et Franck Drinkebier, a eu lieu mercredi 26 mai. Une vingtaine d’élèves de seconde générale et de terminale commerce ont participé à cette séance de traduction animée par Jacques Sirgent, écrivain, historien, traducteur… et vampirologue. « J’ai un musée à Paris, le musée des Vampires et Monstres de l’imaginaire. J’écris des
bouquins, je fais des conférences et j’interviens un peu partout dans le monde», leur a expliqué ce dernier. Les élèves ont travaillé en amont un extrait choisi du livre Dracula dont Jacques Sirgent a traduit intégralement la première version. Puis un dialogue s’est installé entre le traducteur et les élèves à travers des explications et des questionnements. Les interventions étaient plutôt timides au début. « Il faut qu’il y ait un échange pour que cela soit constructif », soulignait Franck Drinkebier. Au fil de la séance, les participations sont devenues plus nombreuses, ce qui a ravi les enseignants.

Céline Leroy : à propos de Deborah Levy (Passa Porta)

Traductrice française de Don Carpenter, Maggie Nelson, Leonard Michaels, Laura Kasischke, Jeanette Winterson, Atticus Lish ou encore Rebecca Solnit (entre autres !), Céline Leroy est devenue une référence absolue en matière de littérature anglo-saxonne. Une passeuse discrète, à l’image de son métier mystérieux.

Ôde à la gentillesse : la carte blanche de Valérie Zenatti

Et si on réhabilitait la gentillesse ? S’interroge la romancière, lauréate du Prix du livre Inter en 2015 « Jacob Jacob ». Scénariste, et traductrice attitrée de l’écrivain israélien Aharon Appelfeld, elle était l’invitée de l’émission Boomerang à l’occasion de la sortie en poche d' »En retard pour la guerre »

Valérie Zenatti : « Garé en double file, pressé, il livre l’épicerie où je fais mes courses, sort, revient sur ses pas pour me tendre une bouteille, comme ça, cadeau, parce qu’il a compris que les mots « bière au pissenlit » prononcés devant moi m’ont intriguée. Je dis : « C’est si gentil !« . Les épiciers enchaînent : « Ah nous, on ne travaille qu’avec des gens gentils« . Le livreur a déjà disparu, remplacé par un désir irrépressible d’approfondir la notion de gentillesse. 

À peine le mot tapé sur un moteur de recherche, les propositions « gentillesse et bienveillance » puis « gentillesse et faiblesse » me sont suggérées, et je me mets en rogne. 

J’ai en tête quelques personnes qui, lorsqu’elles prononcent l’adjectif « gentil » ont un sale sourire en coin – manière de sous-entendre « pauvre naïf », « mou », voire « servile».

A l’autre bout du spectre, il y a ceux qui ne jurent plus que par la bienveillance, et je ne sais pourquoi leur façon ostentatoire de la proclamer, de s’en réclamer, m’évoque un bain tiède interminable et un peu suspect.

À elles deux, ces forces contraires dévoient la gentillesse et contribuent à son effacement de notre lexique.

Je pense que le malentendu vient peut-être de l’injonction si souvent faite aux enfants : « allez, sois gentil ».

Dès lors, la gentillesse devient une soumission au désir de l’adulte, identifié au plus fort. Qui a envie d’être qualifié de gentil dans ces conditions ?

Pourtant, la gentillesse est tout sauf une injonction. C’est une attitude résolument anticonformiste car sinon, pourquoi nous étonnerait-elle tant lorsqu’elle surgit ? Discrète, la gentillesse se faufile là où on ne l’attendait pas, au moment où l’on n’attendait rien, et c’est précisément ce qui décuple ses effets. 

Sans mode d’emploi, apolitique, non religieuse, elle n’est même pas l’apanage des supposés gentils, mais simplement de ceux qui savent saisir l’instant au-delà des arrière-pensées, au-delà des intentions, comme une étincelle pouvant sauver une journée pourrie, comme un bond gracieux hors de nos vies rétrécies. »

Céline Leroy : « La traduction est une performance artistique »

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Nous recevons la traductrice à l’occasion de la sortie de « Un papillon, un scarabée, une rose » d’Aimee Bender aux éditions de l’Olivier. Elle est aussi connue pour ses traductions de Maggie Nelson et Deborah Levy, qu’elle a contribué à faire découvrir au public français.

Céline Leroy a suivi des études en littérature britannique et américaine contemporaine à Paris 4 – Sorbonne puis effectué un DESS de traduction littéraire à Paris 7 – Denis Diderot en 2003. En 15 ans, elle a notamment traduit Don Carpenter, Leonard Michaels, Laura Kasischke, Jeanette Winterson (Prix Marie-Claire 2012), Rachel Cusk, Atticus Lish (Grand Prix de Littérature Américaine 2016), Rebecca Solnit, Peter Heller, Karl Geary, Jen Beagin, Renata Adler, Renee Gladman, Maggie Nelson, et Deborah Levy.  A l’occasion de la parution de sa traduction de Un papillon, un scarabée, une rose d’Aimee Bender aux éditions de l’Olivier, nous évoquerons, en plus de sa pratique de la traduction, ses riches aventures éditoriales.

Extraits de l’entretien

Pour moi, la traduction n’est pas le lieu du mystère, parce que, dans la pratique, le texte au quotidien devient extrêmement concret. La traduction n’est pas un artisanat, c’est une pratique artistique, un art de l’interprétation, au même titre que les acteurs, ou les musiciens de musique classique. La seule différence est que notre scène se trouve chez nous et qu’on ne nous voit pas en performance. La traduction est une performance qui s’étale sur des semaines, voire des mois, qui implique un effort physique et intellectuel. Céline Leroy, traductrice 

La traduction c’est énormément de travail, mais il faut aussi du talent. Il y a ce petit truc en plus : on a l’oreille, ou on ne l’a pas. Il faut avoir ce sens du rythme, et on peut voir la tronche des phrases sur la page, il y a quelque chose de très physique : ça coule ou ça ne coule pas. En ce qui me concerne, je fais travailler différents sens, pas uniquement l’ouïe. J’ai aussi besoin de me nourrir d’images, notamment de peintures. J’ai aussi besoin de ce sixième sens, qu’est la proprioception, et qui consiste à savoir se repérer dans l’espace, et avoir la perception de l’attraction terrestre, cela me permet de m’ancrer dans le texte. Céline Leroy, traductrice

Agnès Desarthe & Valérie Zenatti: Comment j’ai appris à lire, Dans le faisceau des vivants : quand la non-fiction interroge la traduction (de la fiction)

Romancières, autrices jeunesses et traductrices – l’une de l’hébreu, l’autre de l’anglais – Valérie Zenatti et Agnès Desarthe ont chacune exploré avec talent les champs de la fiction et de la traduction. Elles sont aussi autrices d’ouvrages de non-fiction, deux essais autobiographiques dans lesquels elles reviennent sur leur parcours, leur rapport au roman et les liens, parfois distendus, que celui-ci entretient avec le monde.

En s’interrogeant sur son passé de lectrice contrariée dans Comment j’ai appris à lireAgnès Desarthe construit une introspection grave et pourtant pleine d’humour de son parcours scolaire et universitaire au terme duquel la traduction s’est offerte comme une étape majeure de sa réconciliation avec la lecture. Valérie Zenatti, quant à elle, a pris la plume après la mort de Aharon Appelfeld, grand écrivain israélien dont elle était la traductrice et l’amie proche, pour écrire ce qui est devenu Dans le faisceau des vivants. L’écriture du deuil la conduit dans les méandres de leurs souvenirs ainsi qu’à Czernowitz, en Ukraine, ville natale de Aharon Appelfeld et cadre d’une grande partie de son œuvre.

Cet entretien croisé nous a permis d’échanger sur ces différentes formes d’écriture, sur les liens qui unissent les traducteurs et « leurs » auteurs (Aharon Appelfeld pour l’une, Virginia Woolf, Cynthia Ozick ou encore Alice Munro pour l’autre) et sur la façon dont le récit autobiographique leur a permis cette prise de parole, entre fiction et non-fiction.

Entretien réalisé par Charles BONNOT et Clíona Ní RÍORDÁIN
Réalisation et montage: Charly COMINO
Mise en ligne: février 2021